En 2021, depuis abité, nous avons publié un article intitulé « Le joyau de Fort-de-France », dans lequel nous alertions sur la menace pesant sur l’ancienne imprimerie officielle et proposions une alternative à sa démolition. Nous avons également été invités dans différents médias pour défendre l’idée d’un projet d’appropriation citoyenne et culturelle de ce bâtiment emblématique. Déjà à l’époque, nous affirmions qu’il n’était pas nécessaire de détruire pour transformer.
Aujourd’hui, la nouvelle tombe : le bâtiment sera démoli, pour un coût de 458 000 euros, afin de créer un rond-point et une sculpture en hommage à la littérature martiniquaise — un montant auquel il faudra encore ajouter le coût de construction du rond-point et de la sculpture elle-même…
Oui, honorer la littérature est essentiel. Mais cette opération soulève de vraies questions. Dans une ville où les espaces culturels, associatifs et citoyens font cruellement défaut, pourquoi ne pas avoir investi cette somme dans la rénovation du bâtiment ?
Et dans un territoire où les artistes, les acteur·rices et les porteur·euses de projets culturels se sont mobilisés l’année dernière pour dénoncer le manque d’investissement dans la création artistique contemporaine, pourquoi ne pas en avoir fait une résidence d’écriture, un centre de création, un lieu vivant pour la création contemporaine, au service de la culture et de la population ?
Nous ne voulons ni ronds-points supplémentaires, ni nouveaux espaces commerciaux. Ce que réclament de nombreux artistes, associations et habitant·es, ce sont de vrais lieux de vie, de création, de partage, de rencontres.
Je pense à un exemple inspirant : le SESC Pompeia, à São Paulo, transformé par Lina Bo Bardi. Cette ancienne usine est devenue un centre culturel majeur, où l’on crée, lit, danse, débat, vit ensemble. Elle n’a pas été démolie — elle a été réinventée, ou cannibalisé comme Cesaire avait commencé avec différents monuments à Fort-de-France.
L’imprimerie de Fort-de-France aurait pu suivre cette voie. Elle aurait pu devenir ce lieu manquant, ce poumon culturel au cœur de la ville (d’autant plus que l’état de l’espace Camille Darsières est aujourd’hui déplorable), un espace décolonisé de son histoire, ouvert sur ses avenirs.
Ce n’est pas seulement un bâtiment que l’on détruit. Ce sont des possibles que l’on écarte. Une vision de la ville que l’on refuse.
Larga vida a la Arquitectura. Longue vie à l’Architecture.
Références :
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